Le gouvernement peut-il légalement restreindre l’accès aux hôtels aux familles avec enfants ?

Vous rêvez de vacances en famille, valises et poussettes comprises, mais, surprise, certains hôtels affichent fièrement : « adult only » ! Face à cette tendance, le gouvernement français s’interroge : est-il vraiment possible, d’un point de vue légal, d’imposer l’ouverture de tous les établissements aux enfants, au nom d’une société inclusive ? Entre désir de repos pour certains et droits pour tous, le débat s’annonce aussi animé qu’une aire de jeux en plein été.

Le sujet déchaîne les passions : le gouvernement français pourrait-il vraiment imposer aux hôtels d’accueillir systématiquement les familles avec enfants ? Entre volonté politique et contraintes juridiques, l’idée divise aussi bien les professionnels du tourisme que les défenseurs de l’inclusion. Retour sur une controverse où s’enchevêtrent droit, stratégie commerciale et attentes des voyageurs, alors que la tendance internationale des établissements « adult only » gagne discrètement du terrain dans l’Hexagone.

Les offres « adult only » : une tendance qui bouscule le modèle français #

Ces dernières années, les séjours sans enfants séduisent une clientèle en quête de tranquillité – jeunes couples, parents en pause ou grands-parents en vacances. Les hôtels, campings et résidences qui adoptent l’option « adult only » ne sont plus seulement une curiosité exotique importée des Caraïbes ou des États-Unis. Même Fram ou Kuoni proposent désormais ces formules, plaçant sur le même plan un break sans marmots et le traditionnel voyage de noces.

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Pourtant, la France résiste. Seule une poignée d’établissements sur près de 17 000 pratiquent ce concept, selon Les Entreprises du voyage (EDV). En Espagne, au Royaume-Uni ou au Canada, l’offre cohabite sans scandale avec les séjours famille. Mais en France, impossible de réserver une cabane en forêt ou un hôtel de charme en toute discrétion sans déclencher le débat.

Une opposition politique portée par la haute fonction publique #

Côté pouvoirs publics, l’affaire est prise très au sérieux. Sarah El Haïry, haut-commissaire à l’Enfance, fustige depuis plusieurs semaines cette « tendance brutale », symbole d’une vision où l’enfant serait une nuisance à fuir. Adepte d’une société « à hauteur d’enfant », elle interpelle les acteurs du tourisme, veut étudier des restrictions et souhaite ouvrir le débat sur les dangers d’une offre « no kid ».

D’autres voix politiques s’élèvent : la sénatrice Laurence Rossignol propose même d’inscrire la « minorité » parmi les critères de discrimination prohibés, au même titre que le sexe ou la religion. Faut-il inscrire l’accueil des enfants dans la loi pour protéger l’inclusivité, quitte à rogner sur la liberté de gestion des établissements ?

Quels sont les droits actuels des établissements hôteliers ? #

La question n’est pas si simple juridiquement. Aucun texte en vigueur n’impose aujourd’hui aux hôtels, chambres d’hôte ou autres résidences de tourisme d’ouvrir leurs portes sans conditions à toutes les familles avec enfants. Contrairement au handicap, à l’origine ou au sexe, l’âge ou la composition familiale ne sont pas explicitement protégés dans les codes du commerce ou du tourisme.

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Cependant, l’article 225-1 du Code pénal interdit « toute distinction fondée sur l’âge ou la situation de famille ». Les professionnels naviguent donc sur une ligne de crête, proposant des établissements « réservés aux adultes » sans jamais afficher l’interdiction formelle des enfants, préférant la subtilité du marketing à la brutalité d’une porte close.

Restreindre l’accès : un risque d’uniformisation ou une avancée inclusive ? #

Pour beaucoup, interdire les offres « adult only » risquerait surtout d’étouffer la diversité touristique. Les partisans de la liberté commerciale rappellent qu’un hôtel de charme dédié au repos ou une retraite bien-être à l’ambiance zen n’a pas forcément vocation à faire cohabiter ses clients avec des enfants pleins de vitalité. Même certains parents rêvent précisément de ces moments pour se ressourcer.

Limites à l’accueil universel ou protection d’un droit à la tranquillité ? En cherchant à baliser strictement la formule, la France pourrait voir ses touristes réserver dans d’autres pays plus souples, où chacun trouve chaussure à son pied, qu’il voyage en famille, en couple ou en solo. À l’heure où certaines destinations lointaines instaurent des restrictions d’accès, comme la Corée du Sud (voir ici), la question de la liberté de choisir ses vacances prend une toute autre ampleur.

Le flou juridique et l’incertitude pour les professionnels #

En attendant une éventuelle clarification, les hôteliers avancent prudemment. Une chose est sûre : la loi permet difficilement de trancher spectaculaire et définitive. Qu’arriverait-il si l’on imposait soudain une ouverture à tous, sans distinction ? Les acteurs du tourisme préfèrent parier sur des offres variées, y compris en matière de transport (voyage aérien), et s’adaptent aux envies du public, même face à un afflux record de voyageurs comme lors du Memorial Day (voir ici).

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Plus globalement, le débat s’inscrit dans la réflexion sur l’accessibilité et l’exclusion dans les loisirs. La randonnée elle-même connaît ses propres zones interdites aux promeneurs, familles ou non (consultez le guide des restrictions). Pour le tourisme, la question reste entière : le calme peut-il être une faute morale ?

Une question de société… et d’attractivité #

Au-delà du droit, il s’agit d’un arbitrage de valeurs. Doit-on imposer un modèle unique pour garantir l’accueil universel ou préserver des espaces spécifiques, quitte à heurter certains principes ? La France fera-t-elle figure d’exception ou s’alignera-t-elle sur la flexibilité observée ailleurs en Europe et dans le monde ? Même dans le secteur des investissements touristiques, l’adaptation aux attentes du public reste un enjeu clé – comme le montrent les récentes évolutions observées en Australie (voir cet exemple).

Ce débat passionné sur l’accueil des familles dans les hôtels dessine, en creux, toutes les contradictions d’un secteur tiraillé entre inclusion, tranquillité recherchée et liberté d’entreprendre. L’avenir dira si la France choisira la législation ou… la souplesse.